Survivre au W

Le W, c'est la randonnée la plus célèbre du Parc Torres del Paine, portant ce nom compte tenu de la forme du parcours effectué (en vert sur la carte).

Bien évidemment, elle figurait à notre programme !

Pour en venir à bout, plusieurs possibilités :
1) Formule grand luxe : hébergement en refuge avec sacs de couchage et serviettes de toilette fournis, mais aussi repas et paniers déjeuners inclus. Bref, rien à emporter avec vous hormis votre appareil photo et quelques vêtements de rechange.
2) Formule intermédiaire : hébergement en refuge, sans fourniture de sacs de couchage et serviettes (nécessitant de payer des suppléments) et repas gérés (et portés) par les randonneurs
3) Formule petit budget : camping payant (aire aménagée par les refuges) avec location de matériel dans les refuges et gestion de ses repas
4) Formule "je n'ai pas de sous" : camping sur les sites gratuits uniquement, avec son propre matériel et gestion de ses repas

On vous avoue qu'on craignait un peu le climat et du coup, nous avons opté pour la formule intermédiaire (en pensant à ce moment là que les cuisines des refuges étaient mises à disposition de leurs hôtes, ce qui n'est en fait pas le cas...), la formule grand luxe étant totalement hors de portée de notre budget : un lit simple en dortoir coutant déjà près de 20 000 pesos chiliens la nuit, soit environ 30 US$ par personne, ce qui fait de ces nuits nos nuits les plus chères du voyage jusqu'alors...

Du coup, nous sommes partis avec nos gros sacs chargés de nos sacs de couchage et de vivres pour 6 jours. Et compte tenu de la saison touristique, nous avions bien consciencieusement réservé toutes nos nuits en refuge à l'avance. Du coup, nos journées de marche étaient contraintes par la distance entre les refuges. En réalité, nos réservations n'étaient pas optimales compte tenu des horaires des bus menant au parc, mais ça, nous ne le savions pas à ce moment là car le Lonely Planet n'est malheureusement pas très précis sur ce sujet et nous aurions pu passer en réalité moins de temps dans le parc.

Mais bref, voici ce que ça a donné...

Jour 1 : Puerto Natales => Refugio Grey
Après 3 heures de bus pour arriver dans le parc Torres del Paine depuis Puerto Natales, nous enchaînons avec la traversée du Lago Pehoe en bateau. Nous avions prévu initialement de marcher plutôt que de prendre le bateau mais le bus arrivait trop tard pour nous permettre d'arriver avant la nuit au refuge Grey pour notre première nuit.
Du coup, après le déjeuner, nous partons pour environ 3h30 de marche jusqu'au refuge du Lago Grey, situé au bord du lac et de son glacier.
Le temps est gris et le sentier est majoritairement dans le bois, ne permettant pas de profiter de belles vues sur le lac, sauf à certains endroits découverts.
Une fois que nous découvrons enfin le lac et son glacier, nous ne sommes pas complètement emballés : après avoir vu le Perito Moreno en Argentine, nous sommes forcément moins impressionnés...
Au refuge, nous découvrons donc que nous ne pouvons pas cuisiner (ils nous proposaient bien de louer du matériel de camping mais c'était hors de prix...) et nous allons donc mendier auprès de campeurs vaisselle et réchaud...

Ciel gris...

... et vent au programme

Vue du glacier Grey depuis le mirador du refuge

Bilan : ça commence plutôt moyen... Pourvu qu'on retienne du parc autre chose que le prix des refuges et le peu de services offerts en regard...

Jour 2 : Refugio Grey => Refugio Paine Grande
Petite journée qui nous fait simplement revenir à notre point de départ de la veille. Le temps n'est guère meilleur ; du coup, nous partons sans trop d'entrain, surtout qu'au réveil, nous réalisons qu'on m'a volé mes chaussettes (sales) à l'entrée du refuge.
Une fois la marche de la journée pliée, nous restons à l'abri de la pluie dans le refuge toute l'après-midi.
Pour le dîner, cette fois, un coin cuisine est mis à disposition des campeurs et il ne nous manque qu'une casserole qu'on nous prête gentiment.

Vue du glacier au retour

Profitons d'une éclaircie pour immortaliser le Lago Pehoe...

Avant que le ciel gris ne revienne...

Bilan : le même que la veille, mais heureux de profiter d'un vrai toit pour être à l'abri...

Jour 3 : Refugio Paine Grande => Valle Francesa => Refugio Los Cuernos
Une grosse journée nous attend aujourd'hui et mauvaise surprise au réveil : il pleut toujours (la pluie et le vent n'ont d'ailleurs pas cessé de la nuit et de nombreuses tentes se sont retrouvées inondées...) Soupir...
Le sentier est donc boueux, voire même traversé par de petits ou grands cours d'eau. Rapidement, j'ai les pieds trempés tandis que Mikaël parvient grâce à ses grandes jambes et son agilité à les garder au sec.
Arrivés au Campamiento Italiano, où nous devons attaquer une boucle aller-retour de 5 heures environ pour aller voir la Vallée Française, le temps ne s'est absolument pas dégagé et la visibilité sur les montagnes environnantes est quasi-nulle. Mais on nous a suffisamment répété que le temps pouvait changer vite alors Mikaël prend le pari (moi, je suis bien moins convaincue que lui...) et nous commençons la montée. Je ne vois aucun changement apparaître mais Mikaël persiste à vouloir avancer.
Au final, nous n'irons que jusqu'au Campamiento Britannico (il restait encore quasiment une heure de marche pour arriver au bout du sentier) puis rebroussons chemin alors que le vent redouble.
Et là, miracle : alors que nous arrivons sur un plateau surplombant les environs, le ciel se dégage tout à coup !
Nous comprenons à la vue des paysages que nous ne sommes pas venus pour rien ! Après quelques photos, nous retournons au Campamiento Italiano, d'où il nous reste environ 2 heures de marche pour le refuge Los Cuernos.
La vue est certes plus dégagée mais le vent continue de souffler (au point de me faire tomber à terre 2 fois...) tandis que nous avançons dans l'eau et la boue. Mikaël n'aura eu au final les pieds mouillés qu'en m'aidant à traverser le dernier rio, tandis que mes chaussures sont gorgées d'eau...
Qu'importe, le refuge est enfin là et en plus, on peut y cuisiner ! (il y avait bien un supplément à payer mais on ne nous a rien réclamé)
Par contre, nous apprenons qu'à deux heures de marche de là, une rivière est infranchissable, son niveau ayant très fortement monté le jour même à cause des pluies diluviennes de la nuit et beaucoup de gens ont donc du rebrousser chemin.

Valle Francesa avant que le temps ne se dégage...

Oh ! Du ciel bleu sur les Cuernos et les Torres !

Et sur les environs !

Vent sur le lac Nordenskjol : quand on dit que ça souffle, on rigole pas ! 

Bilan : Encore heureux de dormir au chaud et enfin, on commence à voir pourquoi le parc Torres del Paine vaut le coup d'être vu. Reste juste à espérer une météo plus clémente.

Jour 4 : Refugio Los Cuernos => Refugio El Chileno
Alors que tout le monde ou presque préfère rebrousser chemin et ne pas tenter la traversée du fameux rio, Mikaël veut vérifier de lui-même que le rio est bien infranchissable, surtout qu'il fait beau (enfin !) et que le niveau des eaux est donc susceptible d'avoir baissé. De plus, nous avons une journée de marge avec nos réservations.
Nous emmenons avec nous Toni et Miguel, 2 espagnols qui étaient dans notre dortoir et sommes également suivis par 4 Coréennes.
Arrivés au fameux rio, des gens tentent de le traverser un peu partout par tous les moyens possibles, en se mouillant plus ou moins les pieds. Au final, après une bonne demie-heure à se frayer un chemin entre les multiples ramifications de la rivière, encore une fois, Mikaël s'en sort sans une goutte mais c'est bien le seul : nos 6 compagnons et moi-même finissons mouillés à peu près jusqu'aux chevilles...
La suite de la marche s'effectue sans encombre et sous un grand soleil, ce qui nous permet enfin de profiter du parc pleinement !
Nous arrivons au refuge El Chileno dans l'après-midi, après la traversée du Paso del Viento (on peut vous dire qu'il ne s'appelle pas comme ça pour rien, car ça soufflait bien !) et nous y reposons.
Pour le dîner, le réceptionniste accepte de nous faire bouillir de l'eau, pour notre soupe et notre purée.

C'est quand même plus beau comme ça...

Analyse de la situation avant la traversée du fameux rio...

L'équipe une fois la traversée effectuée !

Bilan : Enfin une vraie journée où nous avons profité du parc ! On commence vraiment à être contents d'être venus !

Jour 5 : Refugio El Chileno => Mirador Los Torres => Refugio Las Torres
Réveil à 3h30 pour aller observer le lever du soleil sur les Torres, ces 3 pics qui donnent leur nom au parc.
Deuxième jour de chance, le ciel est bien dégagé et après une bonne heure et demie de marche soutenue, nous pouvons donc profiter du dégradé de couleurs sur les montagnes au fur et à mesure que le soleil se lève.
Nous partageons ce moment avec Valérie et Julien, également en train de boucler le W. Par contre, ils ont été moins chanceux que nous la veille car le CONAF (organisme qui gère le parc) leur a dit que le sentier était fermé à cause du fameux rio en crue. Ils ont donc du rebrousser chemin et contourner le rio par un long trajet de marche, bateau, bus et marche à nouveau.
La fin de journée est tranquille pour nous : nous arrivons vers 12 heurs au refuge Las Torres où nous avons notre dernière nuit. Nous aurions pu rentrer directement sur Puerto Natales mais nous n'avons pas réussi à annuler cette nuit. Nous nous reposons donc tout l'après-midi avant de dîner de nouilles instantanées que le cuisinier du restaurant accepte de nous préparer (nous avons du lui faire pitié...) et de passer une bonne soirée en compagnie de Toni et Miguel.

Les Torres au lever du soleil...

Ouf ! Les nuages ont attendu la fin du lever du soleil pour arriver...

Bilan : Cette fois, on est vraiment convaincus que le Parc Torres del Paine est incontournable !

Jour 6 : Refugio Las Torres => Laguna Amarga => Puerto Natales
En théorie, le W est terminé pour nous. Il ne nous reste plus qu'à retourner à l'arrêt de bus pour Puerto Natales. Plutôt que de prendre une navette, nous partons tranquillement à pied et ô surprise : alors qu'il ne nous reste qu'environ 300 mètres à parcourir, la route est totalement inondée par le rio Paine en crue !
Il y a bien un Zodiac qui commence à faire la navette pour faire passer tous les gens qui doivent prendre le bus, mais il n'arrive pas à démarrer, la file d'attente est longue et en plus, il est à moitié rempli d'eau. Du coup, nous nous déchaussons et traversons à pied, ce qui va au moins aussi vite et nous permet de garder nos chaussures sèches ; par contre, l'eau est gelée !
Le temps de se rechausser et hop, nous attrapons de justesse le bus pour rentrer sur Puerto Natales.

Surprise de dernière minute...

Vue sur le massif Paine lors de notre retour vers Puerto Natales

Bilan : Ne jamais penser que le W est terminé tant qu'on n'est pas dans le bus du retour !

Au final, Mikaël peut désormais se vanter d'avoir bouclé le W sans avoir eu les chaussures mouillées (ou presque) malgré des conditions climatiques pas forcément très favorables, pas comme moi ! :-)
En tout cas, on comprend mieux pourquoi les refuges vendent des Tshirts "J'ai survécu au W" ! :-)
Et encore, avouons que les nuits en refuge nous ont permis de bien mieux nous reposer que si nous avions campé... Une petite pensée en particulier pour Gaël et Johannah, qui ont affronté jour et nuit pluie, vent et moustiques pendant tout leur circuit !

Comments

[Raph]

Je ne regrette pas d'avoir pris la formule grand luxe et d'avoir fait le W dans le sens inverse quand les rivières étaient encore pour la plupart franchissables ;-). L'éclaircie du Jour 3 je l'ai eue juste en arrivant face au Glaciar Grey.

À bientôt...
Raph